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Chroniques
Harrison Birtwistle
The Mask of Orpheus | Le masque d’Orphée
Propices au genre, les années quatre-vingt virent l'éclosion d'opéras tels Saint François d'Assise (Messiaen), Donnerstag (Stockhausen) ou La Vera storia (Berio). The Mask of Orpheus fut particulièrement attendu, sur lequel Harrison Birtwistle et son librettiste Peter Zinovieff travaillaient depuis 1973. Au terme d'une longue gestation – Acte I, Acte II (1973-1975) et Acte III (1981-83), de trois scènes chacun, plus Parados et Exodos –, cette tragédie lyrique fut créée au London Coliseum, le 21 mai 1986 ; elle fait suite à Refrains and Choruses (1957), une première publication reflétant une parfaite maîtrise du patrimoine musical européen le plus récent (Webern, Stravinsky, Varèse), et surtout à l'opéra de chambre Punch and Judy (1966-67). Elle opère une fusion très ingénieuse entre drame, mythe et mime d'une part, et musique, voix et électronique d'autre part – Barry Anderson, en association avec l'Ircam. Précisons d'ailleurs que, passionné de recherches, Zinovieff est à l'origine d'Electronic Music Studios (EMS) fondé en 1960.
Au lever du soleil, Apollo assiste à la naissance d'Orpheus, auquel est accordé le don du discours, de la poésie et de la musique. Celui-ci apprend à parler tout en évoquant des souvenirs. Le premier acte fait apparaître Euridice, qui accepte d'épouser Orpheus. Durant le mariage, la Troupe de Cérémonie pose des questions rituelles aux amoureux. Du fait que la jeune femme s'embrouille dans ses réponses, les présages ne sont pas bons. Une chanson d'amour du marié dissipe les ténèbres. Puis viennent deux versions simultanées de la mort d'Euridice (Femme/Héroïne) mordue par un serpent aquatique, survenant après les avances (repoussées/acceptées) d'Aristaeus (Homme/Héros). Prévenu par ce dernier, Orphée imagine la scène d'agonie de son épouse, juste avant l'organisation des funérailles. Puis l'Oracle de la Mort lui confie trois indices pour affronter le Monde Souterrain et l'aqueduc de dix-sept arches qui relie les vivants aux morts. Peut-être rien d'autre qu'un rêve, ce parcours fait de chants, de visions et d'épreuves constitue la quasi-totalité de l'acte second. Le dernier est composé de neuf épisodes jouant avec la chronologie, parmi lesquels le démembrement du Héros Orpheus par les Bacchantes.
Du soprano colorature à la basse profonde, quatorze solistes et un chœur – en l'occurrence, les BBC Singers – sont convoqués pour un ouvrage de 160 minutes. Dans les rôles principaux humains, citons principalement le ténor Jon Garrison, le mezzo Jean Rigby et le baryton Alan Orpie. Andrew Davis dirige avec clarté leBBC Symphony Orchestra. Malheureusement dépourvu du texte de l'opéra, le livret accompagnant cet enregistrement live de qualité (effectué au Royal Festival Hall de Londres, les 11 et 12 avril 1996, récompensé par un Gramophone Award) propose de nombreuses notices pour préparer à l'écoute (en anglais), dont la version originale et le synopsis définitif qui nous replongent dans un des mythes préférés des compositeurs.
LB